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Restitution JNBDS 2023

Accueillir les publics dans nos établissements

La question de l'accueil des publics, et en particulier des étudiant·es en santé, a été au coeur de la journée.

La table-ronde de l'après-midi, à laquelle ont été conviées Margot Martinez-Maure et Mylenna Melois, élues étudiantes à Université Paris Cité, ainsi que Franck Rolland, psychiatre junior, a contribué à un premier état des lieux de la situation que vivent actuellement les étudiant·es et professionnel·les de santé, toutes filières confondues. Une enquête menée en 2021 et à laquelle a contribué Franck Rolland a mis en évidence l'aggravation, sur les cinq dernières années, de la santé mentale des étudiant·es de médecine : hausse des dépressions, aggravation des signes anxieux, etc. Les raisons conjoncturelles, la pandémie de Covid en particulier, ont mis en lumière des difficultés dues à des raisons structurelles. La table-ronde est en particulier revenue sur les bouleversements provoqués par les réformes des études de santé, de la première année commune aux examens de fin de deuxième cycle, et ce, dans toutes les filières de la santé.

 

Ces problématiques ont formé le point de départ de trois des ateliers.

Le premier, d'entre eux, intitulé "La qualité de vie des étudiants en santé : quel rôle pour les bibliothèques ?" et modéré par Périg Bouju (responsable de la bibliothèque Jean Dausset, université Sorbonne Paris Nord) a questionné le lieu "bibliothèque" en trois étapes, par petits groupes. Il en est ressorti que :

  • Les BU et les centres de documentation jouent un rôle social important pour les étudiant·es en santé. Tout en offrant des espaces de mixité, de sociabilité et de convivialité ainsi qu'un accès élargi aux collections, les bibliothèques vont au-delà des prescriptions scolaires en s'ouvrant à la culture et en créant du lien avec des acteurs et des services, notamment associatifs (cf. partie Faire réseau).
  • Bien qu'iels ne soient pas professionnel·les de santé, les bibliothécaires et les documentalistes sont légitimes à promouvoir la santé mentale. Leur expertise dans la conduite d'enquêtes, l'amélioration de la qualité des services au public ainsi que le lien de confiance qui se noue avec les étudiant·es, les placent dans une position avantageuse pour proposer des actions en faveur de la santé mentale.
  • De nombreuses pistes ont ainsi été identifiées : proposer des plaquettes d'information et les diffuser aux étudiant·es ; organiser des formations et des opérations ponctuelles de sensibilisation ; mettre à disposition des espaces d'échanges et d'animation pour des intervenant·es extérieur·es ; développer des partenariats avec d'autres services et composantes de la vie étudiante (service de médecine préventive, associations étudiantes, chargé·es de mission sur la santé mentale et la qualité de vie).

Les bibliothèques et les centres de documentation n'ont pas vocation à remplacer les services de santé mentale professionnels, mais peuvent jouer un rôle complémentaire en offrant un espace neutre et sûr, en fournissant des ressources variées et accessibles.

 

 

L'atelier  "Lien social et fréquentation de nos centres de documentation/bibliothèques", modéré par Stéphanie Pisot et Brigitte Bourgeois (documentalistes en IFSI à Chartres et Melun), est également revenu sur la place de ces établissements dans la vie et le cursus des étudiant·es. Via la réalisation d'une carte mentale et l'organisation de sessions de jeux de rôles entre bibliothécaires/documentalistes et étudiant·es, les participant·es se sont interrogé·es sur les facteurs pouvant faciliter le développement de liens de confiance entre le public et l'établissement. L'aménagement des espaces de la bibliothèque, la formation des agents à la posture d'accueil, l'adaptation de sa communication au public sont autant d'outils qui ont été identifiés (et auxquels il sera fait référence dans la suite de cette synthèse).

Les effectifs des différents établissements n'offrent pas les mêmes possibilités de creuser les liens avec le public. Dans les centres de documentation en IFSI, où le public est généralement réduit (280-300 étudiant·es), la mise en place d'ateliers décentrés par rapport aux fonctions traditionnelles des documentalistes ont permis de développer des liens forts avec les étudiant·es : ateliers d'écriture, quarts d'heure lecture, ateliers de création d'affiches pour des actions de prévention santé... Les bibliothèques universitaires de leur côté peuvent aussi s'ouvrir à des actions menées à l'initiative des étudiant·es, en leur proposant des espaces adaptés ou des ressources pour leurs projets.

 

Ces différentes problématiques ont également été abordées dans un troisième atelier, avec l'exemple d'une bibliothèque universitaire cette fois-ci : "BU Madeleine-Brès : une feel good BU ?", modéré par Denis Bekaert, responsable-adjoint de cet établissement (université de Caen Normandie). La BU Madeleine-Brès a ouvert à Caen en 2014, et son équipe a pris très à coeur la question de l'accueil et du confort des étudiant·es : de 2017 à 2021, le projet de service du SCD en a fait un axe important. L'atelier a rebondi sur deux sollicitations reçues par la BU et qui ont été analysées collectivement par les participant·es :

  • Une demande d'un enseignant de médecine générale d'utiliser la BU comme un moyen de lutte contre les burn-out des internes de première année, via l'organisation d'ateliers d'une heure pour présenter les fonds loisirs, les ressources en ligne, etc. Dans ce cas concret, la bibliothèque est positionnée comme moyen d'évasion et de lutte contre le stress des étudiant·es.
  • Une demande d'une lectrice de deuxième cycle de développer des postures de travail debout au sein de certains espaces de la bibliothèque. Les discussions ont tourné sur le traitement de la demande : des places de travail debout sont bien disponibles dans la bibliothèque, mais dans les espaces fréquentés par la lectrice pendant sa première année de santé, qui lui avait laissé un souvenir traumatisant.

 

Ce dernier exemple illustre deux problématiques également évoquées dans la table-ronde de l'après-midi par les différent·es intervenant·es déjà présenté·es, ainsi que par Alexandre Couturier, conservateur des bibliothèques auteur d'un mémoire enssib intitulé Prendre en compte la santé mentale des publics en bibliothèque universitaire.

  • La bibliothèque et le centre de documentation sont des espaces vécus et habités de manière paradoxale par les étudiant·es. Ce peuvent être tout à la fois des lieux chaleureux, accueillants, qui font office de cocons, notamment du fait de leur vécu comme espaces neutres et marqués par la régularité (à ce titre, les témoignages étudiants évoqués lors de la journée ont permis de réaliser à quel point le moindre changement d'horaire d'ouverture, de fermeture imprévue ou de règles d'accueil peuvent être des facteurs de stress pour les étudiant·es ; l'information en amont et la collaboration régulière avec les associations étudiantes ont été des solutions évoquées) ; et en même temps des lieux associés à l'expérience parfois traumatique des études en santé et qui contribuent à créer des violences auto-contraintes.
  • La perception des difficultés rencontrées par nos publics et de leur état de santé mentale, la capacité à se mettre à leur place pour observer nos centres de documentation et bibliothèques, sont aussi essentielles. Une attention toute particulière doit être portée aux signaux faibles qui peuvent faire prendre conscience de situation de mal-être parmi nos publics. Plusieurs outils ont été évoqués, à commencer par les formations aux premiers secours en santé mentale qui peuvent être suivies par les personnels.

De manière générale, de par la place qu'ils prennent dans la vie des étudiant·es en santé, la bibliothèque universitaire et le centre de documentation acquièrent également une forme de responsabilité dans l'accueil et la prise en charge de ces publics.